Merveilleusement simple
2010

Cet ensemble de fragments inspirés par le travail de l'artiste torontois Kai Chan décrit des instants quotidiens où affleurent la fragilité des êtres, leur sensibilité et leur sensualité.

Dans Kai Chan : La logique de l'araignée / The Spider Logic, livre publié par Varley Art Gallery of Markham et Textile Museum of Canada (texte original en français, p. 105-106, et traduction anglaise, p. 69-76)

Œuvres de Kai Chan :
1- Blue eyes, 2008
2- Mirage, 2008
3- Deep Breathing, 2009

PROJET SUIVANT

Extraits

Blue Eyes

Nous savons nous lier l'un à l'autre par le regard. Je te regarde me regarder. Tu me regardes te regarder. Et au bout d'un moment, nous commençons à disparaître. Il n'y aura bientôt ni toi ni moi. Qu'un seul regard bondissant dans l'espace.







Mirage

Prenant des poses de forêt, vous glissez sur le rivage vos silhouettes effilochées sans jamais toucher terre et vous emmêlez vos franges graciles dans la lumière du couchant en signe d'adieu, de doléance et de reconnaissance. Ondoyant comme une chorale d'enfants chétifs, sifflant comme un champ qui brûle et délestés du plus petit des cailloux, vous jouez, pour nous, à naître, puis à renaître.







Deep Breathing

J'avais sept ans et ma sœur en avait trois le soir où ma mère a repris son travail d'infirmière. Après le souper, mon père nous a proposé de jouer au monstre dans le salon. À quatre pattes sur le tapis, il grognait et piaffait en grimaçant. Ma sœur et moi sautions tour à tour sur son dos dans l'espoir de le dompter, mais il s'ébrouait, puis ruait, nous rejetant violemment sur le divan de velours vert. Au bout d'un moment, nous lui avons demandé d'arrêter, mais il a refusé. Notre mère n'étant pas là pour nous secourir, nous avons crié jusqu'à ce qu'il comprenne notre désarroi. C'était justement l'heure d'aller au lit. Devinant que nous étions trop fébriles pour nous endormir, mon père nous a proposé de nous allonger dans son grand lit de chaque côté de lui. Il a pris la main droite de ma sœur et ma main gauche, les a posés sur son ventre et nous a dit de suivre le rythme de sa respiration. Après deux minutes, nous avions tous deux retrouvé notre calme. Soudain, un grand engourdissement nous a pris et nous avons glissé dans un sommeil d'une profondeur que nous n'avions jamais imaginée.