Le bord coupant du jour —2023
Un jour, on se laisse engloutir par la mélancolie; un autre, on prend un café avec une amie, on s’émeut devant les verges d’or, on va chez un amant ranger sa bibliothèque.
Jouant avec les codes du poème et du microrécit, ce livre évoque, avec une certaine dose d'autodérision, le drame et la joie d’exister dans un corps.
—
Éditions Les Herbes rouges (128 p.)
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Extraits
Sous le parasol
Des heures durant
Je lis des poèmes uruguayens
Que je traduis
Pour moi seul
Si par hasard
Ils ouvrent une brèche
Sur mon amour perdu
J’en retravaille
Les images
Je défais un regret
Mords un remords
Déplie une nostalgie
J’ai été heureux
Est-ce que je l’ai été?
Etc.
*
Pour se réinventer
On laisse les liens se distendre
Puis on s’éloigne furtivement
Et on se jette par terre
Mains sur les oreilles
La secousse produit
Une fine poussière
Qu’une fois relevé
Avec la paume de la main
On renvoie au sol
*
Mon amour a déjà eu un corps
Sa pierre roulait au soleil
Il chatouillait les nouvelles fraîches
Pieds nus sur le plancher de pin
Sa nuit avait des fourrures
Aussi tendres que le mélèze
Et au fond du plus étrange rêve
Je retrouvais son haleine de lait
Mon amour n’a plus de corps
Et mon corps n’a plus d’amour
Je vais aujourd’hui tâtonnant
Le cœur abstrait
*
Avant le souper
Ma fille m’a coupé les cheveux
Sur la terrasse du condo
De mon ex-mari
Les a coupés très courts
Elle a rangé le rasoir
J’ai enlevé mon t-shirt
L’ai secoué
Ai passé le balai
Suis rentré
Mon ex-mari râpait du fromage
Quand j’ai senti son regard
Se poser sur ma poitrine
Qu’il n’avait pas vue
Depuis sept ans
À la salle de bain
J’ai mouillé mes cheveux
Ai nettoyé le lavabo
Me suis séché
Ai remis mon t-shirt
Il m’a offert une bière
J’ai proposé de mettre la table
Et soudain à travers ses sandales
J’ai vu ses jolis pieds bruns
Couverts de poils frisés
On ne peut pas
Ne pas avoir de peau
*
Nous avons été heureux
C’est sûr
Nous l’avons été
Invraisemblablement