Sous la carapace — 2017

Texte de fiction inspiré de l'œuvre de Louise Viger.

Publiée dans la revue Les écrits,
numéro 151, automne 2017

PROJET SUIVANT


Extrait

Au début, nous passions ensemble des après-midis entiers sous la lampe articulée. Effigie minuscule et friable, je me tordais de plaisir entre ses doigts collants. Elle ne m’épargnait aucune cajolerie, et s’amusait à sentir palpiter dans ses paumes mon orgueil naissant. C’est là que je me mis à caresser le rêve de me faire statue. La vie ordinaire ne me satisferait pas: j’avais besoin de grandeur.

Un matin, j’entendis des bols de porcelaine qui s’entrechoquaient. Elle s’affairait dans la cuisine à préparer les gâteaux pour le banquet du soir. Je me glissai hors des draps et tentai de couvrir ma nudité, mais comme je m’empêtrais dans la cape élastique qu’elle m’avait offerte, je dus me résoudre à la rejoindre le sexe à l’air. Me voyant lui offrir mon aide dans cet état, elle ne put s’empêcher de rire. J’escaladai les armoires et parvins au comptoir, en sueur, au moment où elle saupoudrait de sucre une torta caprese. Voyant quelques cristaux épars se coller à mon corps humide, elle s’exclama : « Voilà ce qu’il te faut. Une
carapace! »